Naître sous l’ancien régime
par
Le premier enfant arrive 10 à 18 mois après le mariage puis les autres arrivent tous les deux ans. Sur les huit à dix naissances, trois ou quatre arrivent à l’âge adulte.
La lecture des registres paroissiaux nous donne de précieux renseignements sur les premiers instants de l’existence. Parmi les âges de la vie, la naissance a toujours été l’un des plus périlleux. Mais si venir au monde est une étape difficile, y rester l’est plus encore.
Moment périlleux pour la mère et l’enfant, l’accouchement sous l’Ancien Régime est l’objet d’attentions particulières où le savoir-faire féminin, les superstitions populaires et le poids de la religion se mêlent parfois étroitement.
L’accouchement est d’abord une affaire de femmes, de femmes âgées de préférence ; aussi les hommes en sont-ils exclus autant par décence que par incompétence.
La femme accouche toujours chez elle, dans la pièce principale de sa maison, entourée de sa mère, ses soeurs et parfois de quelques voisines. Une sage-femme, appelée aussi matrone ou basle, l’assiste dans sa délivrance. Cette dernière était souvent désignée par une assemblée de femmes qui la choisissaient pour son expérience. Elle était ensuite avalisée par le curé qui se devait de garantir ses qualités morales, ses bonnes moeurs et surtout son aptitude à ondoyer dans les règles de l’église le nouveau-né à la santé fragile.
La femme enceinte accouche généralement en position assise, non déshabillée. Il faudra attendre le XVIII° siècle pour que les manuels conseillent l’accouchement allongé.
Les conditions minimales d’hygiène étaient lois d’être respectées, la matrone opérait souvent avec des mains, des doigts, des ongles, non lavés. Grâce à sa connaissance des herbes, des prières et de la magie populaire « elle confectionnait des pansements rien moins que stériles où entraient parfois des toiles d’araignée, des feuilles ou des bestioles pilées, des excréments séchés ».
Ainsi la cérémonie relève souvent d’un rite de passage ou l’intervention de la magie est destinée « à exorciser la peur autant que la douleur, tout en assurant le mieux possible la survie de la mère et de l’enfant ».
Après avoir été coupé, le cordon ombilical est alors mis en contact avec la tête de l’enfant pour lui assurer une longue vie.
Puis, parfois, le crâne est remodelé par la sage-femme, enfin le corps est lavé dans des décoctions diverses. J. Heroard, dans son Journal sur l’enfance et la jeunesse de Louis XIII, 1601-1628, nous livre quelques détails sur les premiers soins apportés à un nouveau-né royal (Louis XIII est né le 27 septembre 1601) : « Le 11 novembre 1601, on lui a frotté la tête la première fois. Le 17 novembre 1601 on lui a frotté le front et le visage avec du beurre frais et de l’huile d’amandes douces pour la crasse qui paraissait y vouloir venir. Le 4 juillet 1602, il a été peigné pour la première fois, y prend plaisir, et accommode sa tête selon les endroits qu’il lui démangeait. Le 3 octobre 1606, on lui a lavé les jambes dans l’eau tiède... c’est la première fois. Le 2 août 1608, baigné pour la première fois ».
Il va sans dire que ces délicates attentions ne s’appliquent pas aux enfants du peuple. Dans les campagnes comme dans les villes, les accidents restent fréquents et provoquent souvent des hécatombes de mères et d’enfants (Le taux de mortalité des femmes âgées de vingt à trente cinq ans est alors supérieur à celui des hommes du même âge). Par ignorance, les jumeaux et leur mère étaient d’ailleurs presque toujours condamnés d’avance. De plus, l’Eglise interdisait la césarienne sur une femme vivante et préconisait de sauver la vie spirituelle de l’enfant par un baptême dans l’urgence plutôt que la vie temporelle de la mère. Ceci explique la pratique courante de l’ondoiement sur l’enfant « dont on affirmait trop souvent qu’il avait donné signe de vie, afin de lui garantir le Paradis » (cf Goubert).
Enfin, notons que les superstitions, les coutumes populaires autant que les directives de l’Eglise prescrivaient l’abstinence sexuelle après un accouchement (un rite de relevailles de quarante jours) car la jeune mère était alors considérée comme impure durant cette période.
Accouchement
L’accouchement est attendu avec beaucoup de fatalisme ; il se fait dans une douleur aceptée : "tout pousse à vivre la délivrance comme une passion".
les décès en couches se révèlent très nombreux.
Une sage-femme des Lumières Madame de Coudray parle de l’accouchement : "En attendant le moment de délivrer la femme, on doit la consoler le plus affectueusement possible : son état douloureux y engage ; mais il faut le faire avec une air de gaieté qui ne lui inspire aucune crainte de danger. Il faut éviter tous les chuchotements à l’oreille, qui ne pourraient que l’inquiéter et lui faire craindre des suites fâcheuses. On doit lui parler de Dieu et l’engager à le remercier de l’avoir mise hors de péril. Si elle recourt à des reliques, il faut lui représenter qu’elles seront tout aussi efficace sur le lit voisin qui si on les posait sur elle-même, ce qui pourrait la gêner..."
Les femmes accouchent chez elles. Les naissances hospitalières sont très rares et ne concernent que les plus pauvres. Les hommes sont exclus de la cérémonie. Les médecins progressistes veulent éloigner l’animation qui règne autour de la femme. “L’accouchement se fait longtemps en position assise, au lit, en tenue de jour.” Au siècle des lumières, la position allongée se répand.
Le rôle principal est donné à une matrone de 50 ans au moins, appelée sage-femme qui intervient gratuitement. L’accoucheuse de village est prise en charge par le clergé paroissial qui veille à surveiller ses moeurs. Ensuite sages-femmes et accoucheuses bénéficient d’une formation. Les hommes sont alors acceptés.
Commentaires