Bientôt l’huître de Dunkerque ?

lundi 13 mai 2013
par  François DART

Pourquoi pas ... !

Après les moules, les pêcheurs dunkerquois vont tester la production d’huîtres sur filières.

L’idée, venue de deux patrons-pêcheurs dunkerquois,

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est largement soutenue par la Communauté urbaine qui a décidé de financer 25 % de son coût, estimé à un peu moins de 500 000 euros.

L’huître couvée par la mer du Nord

Dunkerque aura peut-être son huître élevée dans la mer du Nord. C’est bien connu, le froid tue les microbes et, une fois n’est pas coutume, le climat du Nord fait les affaires d’une pêche artisanale qui mise sur la variété.

Il s’agit de tester la production d’huîtres sur filières, au large de Zuydcoote, dans une zone où quelques pêcheurs produisent déjà, avec succès, des moules en utilisant ce même procédé.

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Après les moules, bientôt une filière d’huîtres à Dunkerque.

Située loin des zones ostréicoles habituelles, Dunkerque n’est pas touchée par la bactérie qui dévaste les parcs à huîtres français depuis 2008.

Les caractéristiques du site et la technique sur filière laissent croire aux experts que cet espace maritime devrait continuer à être épargné.

D’où l’intérêt d’y implanter des naissains (bébés huîtres) et de les y faire grandir.

Une partie d’entre eux serait ensuite renvoyée, à l’âge de 18 mois, dans les parcs à huîtres traditionnels (Normandie, Charentes…) où ils continueraient leur croissance jusqu’à maturité.

L’autre partie resterait à Dunkerque pour une production locale.

« C’est un projet extrêmement intéressant », estime Jo Dairin, vice-président communautaire chargé du développement économique. « D’abord parce qu’il constitue une belle diversification pour nos pêcheurs et qu’il pourrait conduire à des embauches s’il était confirmé.

Et à en juger par les études réalisées, il ne pourra, à mon sens, en être autrement. Et je ne parle même pas de l’image de Dunkerque.

Imaginez notre ville en sauveuse des huîtres françaises ! » Réponse attendue en 2015 après deux ans d’expérimentation.

Sur les quais dunkerquois, la sole est reine aujourd’hui.

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La sole de Dunkerque, façonnée par les fonds sableux nordistes, est plébiscitée par tous les amateurs de poissons.

Depuis 2003, la moule fait son trou grâce au projet d’élevage sur filières lancé à l’époque. Quatre ans plus tard, une vingtaine de pêcheurs obtenait 40 concessions d’élevages de moules sur filière.

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En 2012, quatre entreprises locales ont ainsi remonté 650 tonnes de moules en grande partie commercialisées par la coopérative maritime de Dunkerque.

Le même succès est évidemment espéré pour l’huître même si l’expérimentation débute à peine.

Mais Jo Dairin, vice-président en charge du développement économique, en est convaincu : « Ça va marcher, car notre mer du Nord tue le virus ! »

L’Herpès virus OsHV1, associé à des bactéries du genre Vibrio, extermine des milliers de naissains depuis 2008.

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On appelle naissain les larves de différents mollusques, notamment d’espèces faisant l’objet de cultures marines comme les huîtres ou les moules.

Ce terme est le plus souvent employé au singulier (« le naissain ») pour faire référence à un ensemble de larves planctoniques.

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Larves d’huitres

Une huître creuse est tantôt femelle, tantôt mâle : on dit qu’elle est hermaphrodite cyclique.

Trois fois par an, elle produit des gamètes qu’elle libère ensuite dans l’eau afin de se reproduire.

C’est durant cette période de reproduction que les huîtres sont laiteuses. Elles contiennent alors davantage de glucides, mais restent entièrement comestibles, même si leur valeur gustative n’est pas autant appréciée de tous.

Une huître libère entre 20 et 100 millions d’ovules et encore plus de spermatozoïdes.

L’union d’un gamète mâle et d’un gamète femelle forme un œuf microscopique qui va ensuite errer dans les courants*. Seules 10% des larves formées atteindront l’âge adulte.

* l’huître creuse est ovipare contrairement à l’huître plate qui est vivipare. Les espèces dites ovipares produisent des oeufs qui se développent ensuite hors de l’organisme.

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CAPTAGE PAR COLLECTEURS

Une fois lachées dans les courants, les oeufs se développent.

Après une vingtaine de jours, ils se fixent sur un support solide et propre.

Commence alors une partie délicate pour les ostréiculteurs qui doivent récupérer ces larves pour les futures récoltes.

Ceux-ci utilisent des collecteurs (coquilles, morceaux d’ardoises, tubes cannelés...) qui, une fois placés dans les courants, récupèrent les larves dont la taille ne dépasse pas encore le dixième de millimètre.

Cette étape délicate est souvent laissée à des écloseries ou des nurseries qui revendent ensuite aux ostréiculteurs.

Une fois collectée, la larve est appelée "naissain".

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* la temperature de l’eau, ses degrés de salinité, d’oxygénation, les vents et les pluies avancent ou retardent les pontes. L’organisme IFREMER a entre autre pour objectif d’avertir les ostréiculteurs de la période des pontes.

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Tous les bassins conchylicoles sont touchés par une mystérieuse maladie qui détruit les jeunes coquillages.

Pour l’ensemble des ostréiculteurs français, la situation est particulièrement critique.

En quelques jours, en effet, entre 40 et 100 % des jeunes huîtres peuvent être décimées, du nord au sud, sans que l’on en connaisse la raison.

« Cela fait dix ans que chaque année nous avons des morts estivales. Mais ce qui est inquiétant, c’est l’intensité du phénomène et la simultanéité dans toutes les régions ».

Une catastrophe pour des ostréiculteurs en quête de solutions. Or, la zone conchylicole du Nord, éloignée de tout site d’élevage ostréicole, est perçue comme le berceau idéal pour les jeunes huîtres mal dans leur coquille.

Une zone si propice qu’elle vient d’ailleurs d’obtenir un A par l’Ifremer.

En d’autres termes, au large de Dunkerque, contrairement aux idées reçues, l’eau est claire (comme celle qui est versée dans le biberon d’un nouveau-né).

Pas étonnant que les pêcheurs dunkerquois souhaitent transformer cette zone en couveuse pour crustacés.

« L’idée, c’est de faire venir à Dunkerque de jeunes huîtres qui seraient élevées dans notre mer avant d’être ensuite revendues dans toute la France.

Des naissains qui vont d’ailleurs se nourrir grâce aux moules, » indique Jo Dairin, au moment de présenter la délibération en conseil communautaire.

Car si l’huître dunkerquoise a un bel avenir devant elle, cette expérimentation nécessite un investissement conséquent. À terme, une dizaine d’emplois pourraient être créés par l’élevage d’huîtres dans le Nord.

« Il faut les aider, insiste Frank Gonsse, élu communautaire, ils se battent pour leur activité. Ils méritent un coup de main, car on ne les a pas forcément soutenus au départ. »

Qui sait, dans trois ans, au terme de cette expérimentation, l’huîtrière dunkerquoise renaîtra peut-être de ses cendres. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le parcage d’huîtres était une activité importante du port de Dunkerque.


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