La gourmandise, c’est dans la tête !

mardi 28 mai 2013
par  François DART

A peine avalée, vous regrettez déjà cette pâtisserie. Au lieu d’accabler votre manque de volonté et de cadenasser votre réfrigérateur, vous devriez prêter attention à une récente découverte. Des scientifiques américains attribuent ces écarts à un dysfonctionnement du cerveau. Comme les toxicomanes ou les alcooliques, les personnes obèses auraient moins de récepteurs à dopamine, un neurotransmetteur responsable en partie de la sensation de plaisir. Une telle découverte ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Des chercheurs new-yorkais du Brookhaven National Laboratory ont constaté que les personnes obèses présentaient moins de récepteurs à dopamine et devaient manger plus pour stimuler ces circuits cérébraux responsables du plaisir.

Enquête sous un crâne

Les mécanismes responsables d’une gourmandise pathologique et de l’obésité restaient encore mystérieux. Mais des études antérieures avaient souligné le rôle de la dopamine dans la modulation du sentiment de satisfaction et de satiété qu’engendre l’ingestion d’un aliment. Les scientifiques américains ont donc voulu savoir si, comme les toxicomanes, les personnes obèses mangeaient de manière compulsive pour stimuler ce centre des sensations, handicapé par un manque de récepteurs à dopamine.

Pour cela, ils ont testé leur théorie chez 10 patients souffrant d’obésité et 10 personnes ayant un poids normal. Après avoir injecté à chaque volontaire un marqueur chimique radioactif ayant la particularité de se fixer sur les récepteurs à dopamine, ils ont observé au scanner, grâce à un système d’imagerie très sophistiqué (tomographie à émission de positons), le cerveau des volontaires.

Résultats : les patients obèses ont moins de récepteurs à dopamine. Ils mangeraient de manière excessive pour compenser cette déficience. Une corrélation inverse entre l’indice de masse corporelle et le nombre de récepteurs a même été constatée dans le groupe de malades.

Cet indice est le résultat d’un calcul entre votre poids et votre taille qui permet d’évaluer votre corpulence. Si ce chiffre dépasse 30, votre état correspond à la définition de l’obésité de l’adulte par l’Organisation mondiale de la santé et des complications peuvent alors apparaître.

Vers un nouveau traitement de l’obésité ?

Rapportée dans The Lancet1, cette découverte pourrait avoir de nouvelles perspectives de traitement de l’obésité et de surcharge pondérale, qui affecte plus de 55 % de la population américaine. Derrière ce record, la France n’est pas épargnée. Selon une enquête de l’INSEE, en 1991, 7 % des femmes était obèses contre 6,3 % en 1980, alors que cette maladie ne semble pas progresser chez les hommes (6,5 % en 1991 contre 6,4 % en 1980). En juin dernier l’INSERM2 révélait qu’un enfant sur 10 est obèse à l’âge de 10 ans.

Cette nouvelle étude souligne que l’obésité n’est pas le résultat d’un manque de volonté et doit être traité comme une réelle maladie. Des composés altérant les concentrations de dopamine sont déjà connus comme réduisant l’appétit, mais ils peuvent se révéler eux aussi à l’origine de dépendances.

D’autres moyens plus naturels permettent d’augmenter la concentration en dopamine : l’exercice physique.

L’histoire de l’œuf et de la poule revisitée

Des experts soulignent néanmoins qu’une seule étude sur 20 personnes ne saurait prouver que ce dysfonctionnement est la cause et non la conséquence de l’obésité. Est-ce le faible nombre de récepteurs à dopamine qui conduit à l’absorption excessive de nourriture ou est-ce l’obésité qui entraîne une diminution du nombre de ces récepteurs dans le cerveau ?

De plus, certains suggèrent que le système à dopamine régule la motivation à la pratique d’un sport3. Si on retient cette hypothèse, l’obésité rendant difficile la pratique d’exercices physiques serait responsable du dysfonctionnement du système à dopamine.

Autre réserve : la dopamine n’est pas le seul neurotransmetteur impliqué dans la sensation de faim, d’autres études ont déjà mis en lumière le rôle de la sérotonine notamment. La chimie de l’appétit met en marche une machinerie complexe, faisant intervenir de nombreux composés.

Cependant, si de plus amples études viennent confirmer l’hypothèse initiale des chercheurs américains, de nouveaux médicaments (n’entraînant pas de dépendance) pourraient être mis au point dans le traitement de l’obésité.


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