Le Nord au temps des ABBAYES

mercredi 30 janvier 2013
par  François DART

Cisterciens, Trappistes, Chartreux, Bénédictins ... le Nord fut longtemps une terre monastique De ce riche passé, il reste des lieux à visiter parfois, à découvrir toujours.

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Il n’y a pas à dire, les moines s’y connaissaient pour choisir leur cadre de vie ! Et si l’endroit était souvent isolé, pour ne pas les distraire de leurs saintes occupations ou pour éviter d’attirer le regard des curieux, ils avaient cependant le don de choisir des lieux qui inspirent la sérénité.

Ainsi le site de Vaucelles, à une dizaine de kilomètres de Cambrai, sur la rive droite de l’Escaut, a accueilli au XII siècle une abbaye sistercienne fondée par Saint Bernard.

Érigée sur un domaine qui appartenait au seigneur Hughes d’Oisy châtelain de Cambrai, qui pour racheter ses péchés fit don à Saint Bernard d’une partie de son domaine, l’abbaye était alors entourée de bois et de marécages.

Mais les moines défricheurs et bâtisseurs eurent tôt fait de donner au site une réelle prospérité.

« L’abbaye était très riche, explique Anne Lagoutte, actuelle propriétaire avec ses parents, Alain et Marie Maxellende, qui rachetèrent le lieu en 1971, elle fut l’une des plus importantes du monde cistercien.

Aujourd’hui classés monument historique, les vestiges de l’abbaye sont progressivement restaurés par les Lagoutte qui ont pour objectif de faire connaître et vivre le site : « Nous organisons de nombreuses manifestations culturelles et artistiques, des expositions, des événements mais aussi des séminaires, des réceptions,. toutes ces activités servent à l’entière restauration du bâtiment ».

Et petit à petit, le site retrouve sa splendeur. Les visiteurs découvrent plusieurs salles importantes : la salle des moines (ou scriptorium) où les moines copistes se rassemblaient.

D’architecture romane, c’est un très beau spécimen du prégothique.

« A l ’époque les bâtiments n’étaient pas chauffés, raconte Mme Lagoutte. Aussi une petite salle adjacente permettait aux moines d’aller réchauffer leur encre quand celle-ci gelait et qu ’ils ne pouvaient plus travailler ».

Dur, la vie monastique !

Ora et labora

L’auditorium (ou parloir), petit local très élégant construit en 1155, était l’endroit où le père responsable des travaux quotidiens donnait ses consignes pour la journée. Ailleurs régnait le silence. Au mur, sont dressées deux magnifiques pierres tombales des XIV° et XVIII siècles.

Vient ensuite la salle capitulaire qui réunissait les membres de la communauté deux fois par jour pour entendre la lecture de la règle de Saint-Benoît.

Avec ses 18,5 m sur 18,2 m, c’est la plus grande salle capitulaire d’Europe. Quant au passage sacré, c’est la que les moines, à l’appel de la cloche, revêtaient la coule monastique pour se rendre aux offices. C’est ici que reposent toujours les cendres des trois premiers abbés de Vaucelles canonisés par le pape Alexandre III en 1 179.

L’histoire de Vaucelles fut mouvementée. Au lendemain de la Révolution, le domaine est acquis par deux négociants de Saint-Quentin et les destructions commencent.

Les lieux sont au fil du temps transformés en atelier de filature, maison de campagne, occupés par l’armée allemande qui finit par les incendier ...

« Quand mon père a décidé de restaurer ce lieu dont il était tombé amoureux, témoigne Anne Lagoutte, il fallait beaucoup d’imagination pour envisager ce qu’il serait aujourd’hui ».

Rien que dans la salle des moines, il a fallu enlever 1 250 tonnes de gravats !

Quant à la bibliothèque abbatiale, qui date du XVIII e, elle abri- tait 40 000 livres, manuscrits et incunables, détruits lors des deux guerres mondiales. Elle est aujourd’hui restaurée.

Le visiteur pourra également se promener dans le parc et découvrir le chœur de l’église reconstitué au sol, puis accéder au jardin qui comprend un potager, une roseraie, un verger, des plantes aromatiques et des fruits rouges.

Un paysage forgé par les moines

Autre lieu de promenade et de contemplation que les alentours de l’abbaye Sainte-Marie du Mont au mont des Cats. Ici, l’abbave ne se visite pas. Trente moines trappistes vivent encore et fabriquent le fameux fromage du mont des Cats pour assurer leur subsistance.

La belle abbatiale de Saint—Amand

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« Nous sommes arrivés ici en 1826, raconte frère Bernard-Marie, économe, à la demande de l’artiste peintre Nicolas Ruyssen alors propriétaire ». Les premières années, la vie est rude. « Le mont était chauve, explique frère Bernard-Marie, le boisement est le fruit du travail des moines ».

<< Voici que j’ai fui loin du monde et que j’ai établi ma demeure dans la solitude >>

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Si l’ordre est contemplatif il repose également sur le travail des hommes. « Malheureusement la communauté vieillit poursuit frère Bernard Marie, et aujourd’hui, les moines seuls ne peuvent plus assurer la fabrication du fromage. Aussi, nous fabriquons toujours sur place mais nous employons du personnel laïque à qui nous transmettons notre savoir faire ».

Depuis près de deux ans, l’abbaye propose également une (excellente) bière trappiste brassée à l’abbaye de Scourmont : « Il y avant ici une brasserie qui a fonctionné jusqu’en 1907 Depuis longtemps, nous souhaitions à nouveau faire notre bière mais cela aurait été diffcile de la brasser sur place. Aussi, ce sont d’autres trappistes qui la fabriquent pour nous. L’entraide entre communautés fait partie de notre tradition ».

Un magasin jouxte l’abbaye. On y trouve les productions des moines mais aussi celles d’autres abbayes de France. Une librairie religieuse est égale à la disposition des visiteurs.

Autour de l’abbaye, de nombreux chemins de randonnée peuvent être pratiqués à pied, à VTT ou à cheval. Ils vous emmènent de part et d’autre de la frontière et vous permettent d’apprécier ce paysage vallonné et verdoyant de la Flandre intérieure.

Douai, la Chartreuse ressuscitée

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A Douai, l’ancien couvent des Chartreux accueille le musée de la ville. Celle-ci a décidé de racheter les bâtiments au ministère des Armées, au lendemain de la seconde guerre mondiale.

« Les Chartreux se sont installés ici au XVII e siècle, explique Marie- Paule Botte, directrice du service des publics et de la communication du musée. Ils rachètent alors deux hôtels particuliers (et les terres alentours, auxquels ils ajouteront progressivement les bâtiments conventuels : prieuré cloître, réfectoire, salle capitulaire, chapelle et cellules ».

Pourquoi cet ordre, vieux de près de dix siècles, vient-il s’installer à Douai ? La ville ne correspond pas vraiment a l’esprit de l’ordre de Saint Bruno, qui au XI e siècle décida de se retirer du monde et s’établit avec six compagnons dans l’austère isolement du massif de la Grande-Chartreuse, près de Grenoble.

Pour le comprendre, il faut remonter à 1654. Cette année-là, Marie Lovs, fille d un poète douaisien, lègue sa fortune a l’ordre des Chartreux à condition qu ils fondent un monastère à Douai dans un délai de cinq ans après sa mort.

Au lendemain de la Révolution, les soldats viennent s installer dans les bâtiments et les transforment en dépôt d artillerie.

Un vaste hangar militaire est édifié a la place du grand cloitre, le carrelage de l’église est défoncé par le poids des véhicules militaires.

Bref, quand la ville de Douai récupère le bâtiment, il est proche de la ruine. La restauration, entièrement financée par les dommages de guerre, durera une cinquantaine d années.

En 2oo1,la chapelle, dernière étape, est rouverte au public. Elle constitue un écrin de choix pour les sculptures du XIX` siècle, elles aussi restaurées. Les chapelles latérales accueillent les objets d art. On peut également admirer de nombreuses œuvres (et notamment le polyptyque d’Anchin) dans l’ancien réfectoire et déambuler dans le petit cloître ou la brique règne en maitre. L’endroit, classe Monument historique, est magnifique et mérite largement que le Visiteur lui consacre quelques heures


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