Phaeocystis sp.

mardi 9 octobre 2012
par  François DART

Vous l’avez vu sans savoir qui c’est !

Les organismes benthiques sont, pour la plupart, sédentaires et vivent en relation permanente avec le substrat. Du fait de cette mobilité réduite, ils subissent directement l’influence des conditions écologiques du lieu considéré (y compris les perturbations anthropiques) et témoignent ainsi des conditions environnementales locales.

La localisation et la caractérisation des peuplements, souvent très diversifiés, et comportant des espèces remarquables, constituent donc un outil essentiel de connaissance, de diagnostic et de suivi en milieu marin. La région marine comprise entre le parallèle de l’estuaire de la Somme et le détroit du Pas-de-Calais est caractérisé par la présence de grands corps sableux occupant des positions permanentes, connues et dénommées de longue date et séparés par des dépressions tapissées de dépôts plus grossiers (Cabioch & Glaçon, 1975, Augris et al.,1990 et 1995).

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Fig. 1 : Le domaine marin du Nord Pas-de-Calais, façade Ouest. Les fonds marins. Augris et al., 1995, IFREMER).

En Manche, la vitesse des courants de marée peut varier considérablement d’un endroit à un autre : les courants sont les plus forts le long des côtes françaises et anglaises, sous l’effet de la force de Coriolis et cette vitesse peut atteindre 3 noeuds en Manche Orientale au large des caps d’Antifer et Gris-Nez (Dauvin, 1997).

Comme il sera vu plus loin dans les parties historiques et états des connaissances sur le benthos de la région, il existe un déficit de connaissances des peuplements benthiques de la zone côtière comprise entre 0 et 10 mètres. Le cadre de notre étude comprend donc tout le domaine marin de la Manche Orientale et de la Mer du Nord, depuis le cap d’Ailly jusqu’à la frontière belge, dans la limite des 3 milles nautiques. Si les premières études du benthos des fonds meubles à de grandes échelles s’appuyaient sur des récoltes effectuées à la drague, la recherche actuelle sur l’écologie benthique nécessite un échantillonnage quantitatif afin d’estimer au mieux les abondances des différentes espèces ainsi que leurs biomasses. Pour ce faire, deux campagnes ont été réalisées sur le N.O. « Côtes de la Manche » à deux ans d’intervalle, c’est à dire en mars 1998 et en mars 2000. Cette prospection a pour but de fournir des caractéristiques quantitatives du macrobenthos de toute cette bande très côtière sur tout son continuum depuis les côtes de la Haute-Normandie jusqu’à la partie française de la Mer du Nord. Sont donc fournis dans ce mémoire les richesses en espèces, les abondances et les biomasses de l’ensemble du secteur Cap d’Ailly / Cap d’Alprech ; des analyses multivariées décrivent les principaux assemblages faunistiques de la zone étudiée.

Enfin, les principales caractéristiques sédimentologiques et biologiques des sédiments permettent de fournir les facteurs impliqués dans la répartition de la macrofaune de cette bande côtière qui est une des nourricières majeures pour les poissons plats (Grioche, 1998 ; Maryniak, 1999) et qui est aussi une des zones subissant chaque année un apport massif de matière organique en relation avec le bloom printanier de l’algue proliférante Phaeocystis sp. dont les effets sur le fonctionnement de l’écosystème benthique restent à étudier.

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Phaeocystis est un genre d’algues nanoplanctoniques marines (prymnésiophycée).

Ces algues unicellulaires, photosynthétiques sont des eucaryotes présents dans les océans ouverts du monde, également trouvé sous et dans la banquise (Phaeocystis antarctica). Quand elles passent d’un mode de vie solitaire à une vie coloniale, elles peuvent être à l’origine de blooms planctoniques très importants qui se manifestent notamment en mer en mer du Nord Manche/mer du Nord, et particulièrement dans le pas de Calais et en Belgique et aux pays-Bas, mais également périodiquement jusqu’en zone paléarctique. Ces blooms se traduisent par l’apparition de colonies flottantes formant un épais mucilage dans l’eau. Ce mucilage est constitué de micro-structures faites de centaines de cellules noyées dans une matrice de gel de polysaccharide. Il peut gêner la pêche et forme parfois sur les plages et les laisses de mer une épaisse couche d’écume (de couleur blanc-gris à brunâtre ou blanc jaunâtre, de quelques millimètres à quelques dizaines de cm, voire à un mètre de hauteur).

Elles jouent un rôle majeur dans les cycles mondiaux du carbone et de soufre et dans le cycles biogéochimiques planétaire en séquestrant efficacement de grandes quantité de CO2 de manière sur de grandes zones géographiques1. Lors des proliférations elles sont aussi un gros émetteur de 3-diméthylsulphoniopropionate (DMSP), le précurseur du sulfure de diméthyle (DMS), émis biogéniquement dans l’atmosphère à raison d’environ 1,5x1013 grammes de soufre par an, ce qui lui donne un rôle majeur dans le cycle global du soufre, lequel permet la nucléation des gouttes d’eau et la formation d’une grande partie des nuages qui contribuent à la régulation climatique et aux pluies. Le cycle de vie et le régime de croissance des algues de ce genre sont encore mal compris.

Selon l’étude faite par IFREMER en 2004, bien que les pêcheurs s’y soient habitués et le considèrent comme d’origine naturelle, il s’agit d’un phénomène plus important qu’autrefois, mais qui a déjà été observé en Angleterre en 1923 sur l’estuaire de la Tamise. Il ne semble pas y avoir eu d’observations antérieure relatée par les naturalistes ou chroniqueurs des époques précédentes. Les pêcheurs de la Manche occidentale française nomment ces blooms « vert de mai », « crasse » (synonyme d’écume), ou parlent du « gluant », ou du « limon ». Côté anglais les pêcheurs parlent de tobacco juice ou de baccy juice ou de fisherman’s signs ou encore de foul water ou de stinking water.

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