Les débuts de l’aquaculture marine à Gravelines

jeudi 11 avril 2013
par  François DART

Impossible de ne pas commencer cette rétrospective sans vous parler, avec une certaine émotion, des premiers pas auxquels j’ai participé, à Rosendaël, dans les caves d’une ancienne brasserie, à l’élevage des Artémia salina avec Monsieur Michotte un scientifique belge qui fut le précurseur en ce domaine pour notre région, car c’est lui qui le premier a souhaité tenter d’élever des soles dans un établissement aquacole. Cette nourriture (Artémia) était destinée aux juvéniles de soles, certes le choix de l’espèce n’était pas très heureux et l’aquaculture chez nous ne s’est développée qu’avec le Turbot, le Bar et la Daurade.

SYNDICAT D’ÉTUDE ET DE DÉVELOPPEMENT D’UN RÉSEAU D’AQUACULTURE A GRAVELINES

Centre de démonstration aquacole

Le 7 janvier 1982 la Commune de GRAVELINES, le Syndicat Intercommunal pour l’Alimentation en Eau de Ia région de Dunkerque et Électricité de France ont créé le SYNDICAT MIXTE pour " l’Etude d’un Réseau d’Aquacu|ture a GRAVELINES " (S. E. R. A. G.), présidé par Monsieur DENVERS, Depute, Maire de GRAVELINES, secondé par deux Vice-Présidents : M. DRAPIE, Vice-Président du Syndicat Intercommunal pour |’A|imentation en Eau, et M. CAJEAT, Chef d’aménagement d’E|ectricité de France.

Le but commun était de mettre à profit l’existence d’une quantité importante d’eau de mer réchauffée par la centrale nucléaire de GRAVELINES, permettant d’a|imenter les installations d’aquaculture.

Le Comité du SERAG a associé à ses travaux, |’Administration des Affaires Maritimes, Ie Port Autonome, et surtout a organisé une très large concertation avec les professionnels de Ia pèche pour les intéresser des |’origine du projet.

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Les études effectuées ont mis en évidence que le site de GRAVEL|NES permettait de réaliser un lotissement pouvant assurer une production commerciale d’espèces marines, Ie projet comprenant deux étapes :

- dans un premier temps, l’aménagement d’un centre de démonstration aquacole se subdivisant |ui-même en :

- 1 une ferme pilote de la .taiIll minimale compatible avec Ia rentabilité économique et placée dans les conditions réelles d’exp|oitation, cette ferme ayant pour but de préfigurer en vraie grandeur une exploitation type pouvant servir de modèle pour l’ensemble d’un lotissement.

- 2 une station d’essai et de formation permettant de tester des procédés et matériels nouveaux, sans interférer avec le fonctionnement de la ferme pilote, cette station devant en outre permettre la formation des futurs exploitants et disposer a cette fin des moyens pédagogiques appropriés.

LA FERME PILOTE

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Vue générale du site de Gravelines

Exploitant initial : Société AQUANORD

Le cahier des charges fixé par le SERAG pour la conception de la ferme pilote était très précis : assurer la rentabilité d’une exploitation aquacole limitée à la phase "pré grossissement - grossissement", aménagée sur une parcelle de terrain d’environ 3.000 m2, en valorisant au mieux les calories du rejet EDF.

L’objectif du §ERAG était, en cas de succès confirmé de la ferme pilote, d’étendre l’exp1oitation à l’ensemble du "lotissement aquacole" de Gravelines, soit 22 parcelles d’environ 3.000 m2.

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Les grandes lignes de conception de la ferme pilote ont donc intégré ces différents parametres :

- dans le choix des espèces : bar, sole, puis daurade, adaptées aux températures du rejet EDF (15°C a 32°C) et dont la technologie d’élevage est maitrisée ;

- par la technologie mise en œuvre : élevage intensif, a forte densité (18 Kg/m3), permettant d’obtenir une production annuelle élevée (65 T/an) sur une surface limitee ;

- par les solutions techniques apportées aux problèmes suivants :

- valorisation optimum des calories du rejet EDF :

- couverture de la ferme par des serres de type agricole

- 3 sources d’approvisionnement en eau chaude

- protection contre les variations de qualité du milieu, liées a des évènements extérieurs (dragages dans l’avant-port de Dunkerque · pollutions diverses ;

- recyclage complet des circuits d’eau de la ferme pilote.

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LE CYCLE D’ÉLEVAGE

1 - La nurserie :

Cette_phase consiste a élever les alevins de 2 g iusqu’à un poids unitaire de 30 g à 40 g.

Les alevins de bars.et daurades de 2 g sont achetés a différentes écloseries situées sur le littoral français.

Ces alevins sont mis en élevage des le mois de mars pour les daurades et du mois d’avril au mois de juin pour les bars.

Ce passage en nurserie dure environ 4 mois entre 20 et 25°C.

Les animaux sont stockés dans des bassins de 30 m3 à des charges avoisinant l0 kg par m3 d’eau d’élevage.

Les rations alimentaires sont calculées en fonction du poids vif total des animaux en élevage (biomasse), de leur poids individuel moyen et de la température de l’eau.

L’élaboration de lots d’élevage homogènes par des tris successifs permet un meilleur ajustement de l’alimentation et évite d’éventuels problèmes de cannibalisme.

La distribution de l’aliment se fait, soit manuellement, soit par l’intermédiaire de distributeurs automatiques. Lors de cette phase, le coefficient de transformation (nombre de kilos d’aliment nécessaire pour fabriquer un kilo de poisson) est inférieur a 2, ce qui représente un résultat deux fois inférieur à ceux obtenus dans les élevages bovins, ovins ou porcins.

2 - Le grossissement :

Le grossissement consiste à faire passer les poissons de 30 g issus du pré grossissement à une taille marchande (300 g à 500 g), ceci s’effectuant dans des bassins de 65 m3.

Deux types d’alimentation sont utilisés sur la ferme pilote :

· des granulés secs contenant de l’ordre de 45 % de protéines

· de l’aliment humide fabriqué sur le site à base de poisson frais (faux poisson ou invendus en criée) et de farines.

La quantité d’aliment est ajustée avec la taille du poisson et la température de l’eau.

Le coefficient de transformation de cet aliment est de l’ordre de 2,5.

Les températures optimales ne sont pas simultanément les mêmes pour le grossissement et pour la nurserie, aussi a·t-il été nécessaire de prévoir deux circuits d’eau dont les températures respectives peuvent être réglées indépendamment par le complexe de gestion de l’eau.

Les charges dans les bassins sont de l’ordre de 20 Kg de poissons par m3 d’élevage.

3 - Pêche - Commercialisation :

Le poisson est vendu à partir de 300 g, poids individuel qu‘il atteint en 14 à l6 mois d‘élevage. Après deux jours sans alimentation, le poisson est pêche dans les bassins en période de forte demande. Il est ensuite emballé dans des caisses polystyrène avec de la glace pour être expédié soit sur les grands marchés français, soit sur étranger (Italie notamment).

LES INSTALLATIONS

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Centre Aquacole de Gravelines

Les circuits d’eau

La station aquacole possède trois types d’alimentation en eau :

· eau réchauffée · eau de mer · eau recyclée

La proportion du mélange de ces différentes sources d’eau est choisie de manière à assurer au poisson les meilleures conditions d’élevage tant pour la température que pour les autres paramètres physico-chimiques.

Eau de mer réchauffée :

Cette eau est pompée en aval des tranches 2, 3 et 4 de la centrale EDF à un débit maximal de 400 l/s. Sa température varie de 15 a 32° C.

Si une augmentation de la température provoque un accroissement de l’ensemble du métabolisme animal, qui se traduit notamment par une augmentation de la vitesse de croissance, les chocs thermiques donnent lieu la plupart du temps à un ralentissement des performances de l’élevage.

D’autre part, c‘est pendant la période hivernale que les températures seront les plus basses et donc que les croissances seront les plus faibles. Il est donc important de limiter au maximum les pertes de calories sur l’élevage (bassins sous serres, recyclage).

Eau de mer froide :

Cette eau est pompée en amont de la centrale EDF dans le canal d’amenée de l’eau de mer qui débouche dans lavant-port de Dunkerque. Elle permet de diminuer la température de l’eau d’élevage pendant la période estivale, ceci afin de préserver des conditions optimales de croissance pour les poissons.

Eau de Mer recyclée :

Ce recyclage permet de récupérer l’eau ayant déjà circulé dans l’élevage, de la rendre à nouveau compatible par des traitements successifs avec l’élevage des poissons et de la redistribuer sur l’ensemble des bassins. Ce procédé permet non seulement une isolation totale de l’exploitation vis-à-vis du milieu extérieur (arrêt de la centrale, pollutions diverses), mais il assure un débit global plus important dans les bassins, ce qui entraîne une plus grande productivité.

La qualité de l’eau est vérifiée quotidiennement par des mesures physico-chimiques et le débit assure dans chaque bassin est optimisé en fonction de la charge en pois·sons de ce dernier.

La nurserie

La nurserie comporte 11 bassins de 30 m3 d’eau, chaque bassin étant alimenté en eau par l’intermédiaire d’un canal amenant un mélange d’eau chaude, froide et recyclée, indépendamment du circuit d’alimentation en eau du grossissement.

Le grossissement . . Le grossissement comporte 28 bassins de 65 m3, comprenant chacun une paroi centrale tout comme la nurserie, de manière à obtenir un courant important dans les bassins, assurant un certain auto-nettoyage.

Les mesures annexes

Structures de secours :

En cas de coupure de l’arrivée d’eau (pollutions, arrêt de la centrale EDF), le recyclage permet de maintenir les poissons dans des conditions compatible avec l’élevage.

Ce recyclage nécessite :

- des pompes de relevage de l’eau
- un filtre biologique
- un décanteur
- une chaudière permettant de compenser les pertes calorifiques sur l’élevage

En cas de panne électrique, un groupe électrogène est prévu.

Équipements divers :

Différents équipements [nécessaires à la gestion du cheptel et à la fabrication d’aliments humides sont également présents sur la ferme, notamment :

- une chambre froide
- un broyeur de poisson
- une aire de stockage d’aliments

EXPLOITATION

Pour exploiter la ferme pilote a été constituée le 5 Juillet l983 "La Société Coopérative Maritime AQUANORD" de type Article 5 du Décret du 9 avril l960.

AQUANORD regroupe les pêcheurs, mareyeurs et poissonniers de Bray·Dunes, Dunkerque, Grand-Fort-Philippe et Calais, ainsi que les aquaculteurs lauréats du concours international.

Le Conseil d’Administration est présidé par Monsieur DENVERS assisté de deux Vice-Présidents : Monsieur DRAPIE, Maire de Bergues et Vice·Président du SIAERD et Monsieur FlLLlON Directeur de la Coopérative Maritime de Dunkerque.

Les installations de la ferme pilote propriétés du SERAG ont été mises à disposition d`AQUANORD à compter du l er Juillet l984 par convention.

La mission qui a été confiée à AQUANORD pour trois années consiste à prouver au vu des bilans qu’au terme de cette période, un équipement de ce type est rentable.

Actuellement le cheptel de la ferme pilote est d’environ l70.000 poissons de bar, daurade et sole.

Le personnel d‘AQUANORD comprend deux techniciens en aquaculture et deux ouvriers dont un ancien pêcheur.

Voici donc les débuts de l’aquaculture à Gravelines.

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Dans une deuxième étape,

dans le cas de réussite de la ferme pilote, le développement d’une zone d’exploitation aquacole proprement dite comprenant une vingtaine de fermes d’élevage de 3.000 m2 chacune.

Pour pouvoir faire le choix en toute connaissance de cause, le Syndicat Mixte a chargé un bureau d’étude d’organiser un concours international en vue de sélectionner l’avant-projet sommaire de la ferme pilote, cet avant-projet devant en outre établir la rentabilité économique de cette dernière.

Le 5 février 1982, le jury de concours a sélectionné 6 candidats sur 14.

Le 27 avril 1982, ce même jury, entouré d’experts en aquaculture, a proposé de retenir la Société SEPIA INTERNATIONAL associée à BIOMAP comme lauréate du concours, sur la base d’un projet d’élevage intensif de bars et de soles.

Le SERAG dont |’objectif était de promouvoir un Contre d’Aquaculture ne souhaitait pas gérer les installations dont il est propriétaire.

Le 5 juillet 1983, a été constituée une Coopérative Maritime AQUANORD.

Cette coopérative a pour mission de gérer la ferme pilote durant 3 ans à compter du 18 Juillet 1984. A |’issue de cette période, au vu des bilans, il sera jugé de la rentabilité d’un tel équipement et dans le cas de résultats positifs le lotissement aquacole se développerait..

A compter de Juillet 1984, le SERAG a confié à l’Institut de la Recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER), la gestion de la Station d’Essai et de Formation (SEFA).

Un Conseil Scientifique dont le rapporteur est le Professeur RICHARD de la Station Marine de Wimereux propose chaque année des programmes qui sont arrêtés ensuite par un Comité de Programme.

En aquaculture, de manière générale, l’élevage et le contrôle du cycle biologique de nombreuses espèces d’animaux marins sont maintenant maîtrisés. C’est notamment le cas pour le bar (ou le loup), la daurade ou la sole, néanmoins le passage du stade expérimental au stade industriel n’est pas sans poser quelques problèmes. Une des principales difficultés est la durée du cycle de production qui est relativement longue. Par exemple, un poisson tel que le bar ou la daurade arrive dans le milieu naturel (Méditerranée) à une taille commercialisable au bout de 2 à 3 ans, ce qui est relativement pénalisant pour la rentabilité d’une exploitation de type industriel.. L’élevage en eau réchauffée apporte une solution à ces problèmes car il permet de raccourcir pour ces poissons la durée d ’élevage. Ainsi, sur le site de GRAVELINES, il est envisageable de commercialiser des bars et des daurades, 14 à 16 mois après leur mise en élevage. Ceci permet une meilleure utilisation de l’outil de production (rotation de stock).

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Organigramme initial

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